Guinée : Le gouvernement repousse les élections présidentielles à 2025, suscite l'inquiétude et la polémique

Alors que la transition politique guinéenne entame sa quatrième année sous le régime militaire, le Premier ministre Amadou Oury Bah a annoncé à la tribune des Nations Unies que la Guinée ne tiendra pas d'élections présidentielles en 2024. Ce report marque un nouveau tournant dans le processus de transition mené par le colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte militaire au pouvoir depuis le coup d'État qui a renversé Alpha Condé en 2021. Cette annonce renforce les interrogations sur l'avenir démocratique du pays et soulève de nombreuses critiques au sein de la société civile et des formations politiques de l'opposition.

La transition guinéenne sous la junte : un chemin tortueux vers la démocratie

Depuis l'accession au pouvoir du colonel Doumbouya, la Guinée a connu une période de tensions et d'incertitudes. Le gouvernement de transition a promis un retour progressif à la démocratie, mais les faits semblent contredire ces engagements. Des figures de l'opposition et des membres de la société civile, critiques du régime militaire, ont été arrêtés et des manifestations, souvent menées par le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), ont été réprimées de manière violente, faisant des blessés et entraînant de nombreuses arrestations.

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En dépit de ces tensions, le Premier ministre Amadou Oury Bah a affirmé que la priorité du gouvernement de transition est la révision de la Constitution. "Un projet de nouvelle Constitution sera soumis à référendum en décembre 2024", a-t-il déclaré à New York. Le gouvernement présente cette réforme comme une étape essentielle avant d'organiser des élections libres et transparentes, mais la population guinéenne demeure sceptique quant à la sincérité de cette démarche.

Une lueur d'espoir : la réintégration de la Guinée au sein de l'OIF

Un signe positif pour le pays est la récente réintégration de la Guinée à l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) après trois ans de suspension. Le Premier ministre Bah Oury a salué cette décision lors d’une interview accordée à RFI, estimant qu’elle montre une reconnaissance des réalités des pays en transition. "Cela montre, disons, une prise en compte des nouvelles réalités des pays en transition. Des sanctions pleuvent sans prendre en compte les spécificités de chaque pays. Nous étions dans une dynamique d'accroissement des difficultés du pays avec le régime d’Alpha Condé", a-t-il déclaré.

Cependant, l'OIF a également enjoint la Guinée à poursuivre ses efforts en matière de droits humains et de libertés. Sur ce point, Bah Oury a réaffirmé la volonté de son gouvernement de renforcer ces principes et d'établir des institutions crédibles, insistant sur l'importance d’une réconciliation nationale.

Des questions persistantes sur la disparition de militants de l'opposition

Les interrogations sur l’engagement réel du gouvernement en faveur des droits humains et des libertés persistent. En effet, la disparition de deux militants du FNDC, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, continue de susciter l'inquiétude. Lors de l'interview, Bah Oury a admis ne pas disposer d'informations précises sur leur localisation. "Nous n'avons pas encore une information complète et précise sur le lieu où ils peuvent se trouver à l'heure actuelle", a-t-il reconnu, tout en assurant que des enquêtes sont en cours. Il a également exprimé son souhait de les retrouver en bonne santé, ajoutant que leur disparition ne servait pas les intérêts du gouvernement de transition.

L'incertitude plane autour de la candidature de Doumbouya aux élections présidentielles

Une question demeure au cœur des débats : le colonel Mamadi Doumbouya se présentera-t-il à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2025 ? Bien que la charte de transition interdise une telle démarche, des membres de son gouvernement ont suggéré que rien ne l'empêcherait de se porter candidat une fois la nouvelle Constitution adoptée. Interrogé à ce sujet par RFI, Bah Oury a déclaré : "À partir du moment où la Constitution sera adoptée, la charte n'aura aucune actualité. Tout homme ou toute femme remplissant les critères qui seront dans la Constitution pourra faire acte de candidature."

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Lorsqu'on lui a demandé s'il soutiendrait une candidature de Mamadi Doumbouya, le Premier ministre a répondu de manière évasive mais révélatrice : "Je dis pourquoi pas, parce que c'est la liberté de chaque citoyen en capacité d'incarner une certaine vision de la Guinée d'aujourd'hui et de demain, d'être candidat ou d'être candidate."

Le référendum constitutionnel comme point de départ pour le retour à la démocratie ?

Le Premier ministre a également confirmé que le référendum sur la nouvelle Constitution devrait se tenir d'ici la fin de l'année 2024. Il a souligné que cette étape est essentielle pour établir un cadre légal qui garantira un avenir démocratique à la Guinée. Bah Oury a affirmé que la tenue de ce référendum est une priorité, déclarant que "l'objectif en toute sincérité, sans calculs politiciens, nous tenons à avoir le référendum constitutionnel à la fin de l'année."

Pour l'heure, la date de l'élection présidentielle demeure incertaine, mais Bah Oury a suggéré que la présidentielle devrait précéder les autres élections, notamment les législatives et les élections locales.

Vers un cheminement complexe mais possible vers la démocratie

Alors que la Guinée se trouve à la croisée des chemins, la nation attend de voir si les engagements pris par le gouvernement de transition se concrétiseront en actions. La population guinéenne, fatiguée par des années d'instabilité et de promesses non tenues, continue de manifester son désir de démocratie et de changement.

La prochaine année sera cruciale pour le pays. Le processus de transition, la révision constitutionnelle, et la tenue d'élections libres et transparentes représenteront autant d’étapes décisives pour le rétablissement d’un ordre démocratique en Guinée. Reste à savoir si les autorités de transition, et plus particulièrement le colonel Mamadi Doumbouya, respecteront les aspirations de la population à un véritable retour à l'État de droit.

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