Débarquement de Provence : l'oubli des tirailleurs sénégalais

Un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale ressurgit : le "blanchiment" des troupes coloniales. En septembre 1944, l'État-major français ordonne le retrait de près de 20 000 tirailleurs sénégalais, remplacés par de jeunes résistants métropolitains. À l'occasion du 80e anniversaire de la Libération, Florence Gaillard et Jonathan Walsh mettent en lumière ce sombre chapitre de l’histoire militaire, rendant hommage à ces soldats longtemps ignorés.

En 1944, alors que la France aspire à participer à la libération de son territoire aux côtés des Alliés anglo-américains, le général Leclerc se prépare à former la 2e division blindée (2e DB). Cependant, pour obtenir le soutien matériel de l'armée américaine, ségrégationniste à l'époque, il doit se conformer à leurs exigences. Aux États-Unis, les troupes noires et blanches ne combattent pas ensemble, et ce principe est imposé à la 2e DB qui s'apprête à libérer Paris. Le 25 août 1944, les troupes françaises défilent sur les Champs-Élysées, sans aucun soldat noir dans leurs rangs.

Après le succès du débarquement de Provence, les soldats coloniaux, héros aux yeux de la population française, voient leur rôle réduit. À l'automne 1944, alors que la Résistance intérieure rejoint l'armée régulière, l'État-major décide de "blanchir les troupes". Entre 15 000 et 20 000 tirailleurs venus d'Afrique subsaharienne sont retirés du front, remplacés par des résistants français, bien moins aguerris. La plupart des tirailleurs sont ensuite démobilisés dans des camps de transit, privés de l'opportunité de participer à la victoire finale contre l'Allemagne.

Ce réépisode de l’histoire militaire, souvent ignoré, marque l’effacement injuste du sacrifice de ces soldats africains dans la mémoire collective.