Le 5 septembre 2021 restera gravé dans la mémoire des Guinéens comme le jour où la nation crut voir l’aube d’une ère nouvelle. Un vent de libération souffla avec la chute d’un régime autocratique, corrompu et sourd aux souffrances du peuple. Le général Mamadi Doumbouya, figure emblématique de ce soulèvement, incarnait alors l’espoir d’une rupture avec le cycle infernal des promesses non tenues, des constitutions violées, et des aspirations populaires étouffées.
Pourtant, aujourd’hui, cette lueur d’espoir vacille. Le destin de la Guinée, une fois de plus, semble pris en otage par les mêmes maux qui ont conduit à ce fameux coup d’État. L’Histoire semble vouloir se répéter, non plus sous la forme d’une tyrannie civile, mais dans un silence assourdissant de l’homme qui avait promis de redresser la nation. Mamadi Doumbouya, de libérateur, pourrait-il devenir celui qui trahit les attentes ? La Guinée ne se relèvera jamais si chaque homme providentiel cède à la tentation du pouvoir à tout prix, oubliant les sacrifices du peuple, les cris des opprimés, les martyrs de la démocratie.
Car oui, gouverner, c’est avant tout servir. C’est écouter, comprendre et œuvrer pour le bien commun. Ce n’est pas un jeu de stratégie où les ambitions personnelles priment sur les aspirations de millions d’âmes. Le Général Doumbouya doit se rappeler, s’il ne l’a pas déjà oublié, qu’on ne gouverne pas contre la majorité des Guinéens. Leur colère, leur désespoir, leur frustration croissante sont autant de signaux qu’il ne pourra ignorer indéfiniment.
S’il venait à trahir ses engagements, Mamadi Doumbouya connaîtrait le sort de ceux qui ont cru pouvoir ignorer la volonté du peuple. Le parjure est un crime impardonnable, et le général sait mieux que quiconque que les lois non écrites de la morale et de l’honneur militaire sont implacables. Il serait combattu avec la même ferveur que ceux qu’il a renversés. Car l’histoire ne pardonne pas aux traîtres. Et si l’autorité confère des privilèges, elle impose aussi des devoirs.
L’heure est grave, et les Guinéens ont trop attendu. La patience populaire est une force silencieuse, mais redoutable lorsqu’elle s’éveille. Nous assistons aujourd’hui à un retour de vieilles habitudes politiques : promesses non tenues, réformes bâclées, et cette lente dérive qui ramène la Guinée vers le gouffre qu’elle croyait avoir quitté. Si le général persiste dans cette voie, il doit savoir que le peuple se lèvera contre lui, tout comme il s’est levé contre ses prédécesseurs. Il a, aujourd’hui, une dernière chance de changer le cours de l’histoire.
Général Mamadi Doumbouya, le moment est venu de prouver que vous êtes différent, que vous n’êtes pas simplement un autre visage du même cauchemar. Vous avez le pouvoir d’écrire une nouvelle page et de clore celle des coups d’État, des trahisons et des dérives autocratiques. Faites-le pour la Guinée. Faites-le pour l’histoire. Sauvez cette nation, comme vous l’avez fait le 5 septembre 2021.
En pays mandingue, la parole donnée est sacrée et fait office de loi morale. Comme le dit ce proverbe : « Maa la kɛra, i kɛra ka tɛ » (Celui qui manque à sa parole n’est plus un homme). Le respect de la parole est ce qui définit la véritable grandeur d’un leader, car c’est par elle que se bâtissent la confiance et l’honneur.
Abdoul Karim Diallo